Le site d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure a été décrété d’ « utilité publique » par le Conseil d’État en 2022. Le porteur du projet, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), justifie sa légitimité par une nécessité politique et un discours scientifique. Quelle est alors la place des journalistes ?
Dans le cadre d’une controverse environnementale, le rôle des médias est d’abord de présenter les différentes visions du projet : celle du promoteur (l’Andra dans le cas de Cigéo), et celles des opposant.e.s (citoyen.ne.s concerné.e.s, associations, etc.). Mais ils ne peuvent s’en contenter. Comme l’explique Vincent Carlino, chercheur qui a réalisé une thèse intitulée L’énergie de la contestation portant sur les conflits liés au nucléaire : « Couvrir ces controverses pour les journalistes revient à mettre en lumière des prises de position ».
S’agissant d’un programme aussi technique que le centre d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure, les informations provenant de l’Andra sont essentielles. Comment, dans ce cas, démêler le factuel de la communication ? Les journalistes ont besoin d’interroger des expert.e.s et scientifiques, d’écouter les expertises citoyennes et militantes tout en prenant en compte la provenance des discours.
En dehors des oppositions pour/contre et des expertises indépendantes, les journalistes doivent se former sur ces questions qui sont souvent scientifiques et techniques. Les controverses sont complexes, alors que le discours communicationnel est lui simple et clair. Les communiqués de presse, par exemple, sont justement faits pour donner aux journalistes les réponses à leurs questions sans qu’ils et elles aient besoin de faire des recherches supplémentaires. La visite virtuelle qui nous a été proposée en était un exemple parfait. Le piège serait de s’en contenter, sans comprendre que les sources défendent leurs intérêts. Mais être formé aux questions scientifiques requiert des conditions de travail propices à une recherche sur du long terme, ce qui n’est pas toujours le cas dans les entreprises médiatiques, à cause notamment des logiques économiques.