Controverses environnementales : les limites de la « neutralité journalistique »

Comme pour beaucoup de débats environnementaux, la médiatisation des conflits autour de Cigéo a souvent été réduite à une description binaire et symétrique des positions des défenseur.ices et des opposant.es au projet. Une façon de traiter l’information qui peut être dépassée. 

L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) défend son projet, ses opposants dénoncent une « catastrophe ». C’est ainsi que France Info décrivait, en 2019, une réunion publique entre promoteurs et détracteurs de Cigéo. L’article est construit en deux parties dans lesquelles chaque acteur explique sa position. 

Cette structure est commune à beaucoup d’articles de presse généraliste. Les quinze textes traitant de Cigéo que nous avons analysés (provenant de médias aux lignes éditoriales diverses, comme Libération, Le Point, Ouest-France, etc.) se contentent d’exposer de façon symétrique et binaire les positions des acteurs impliqués dans la controverse, sans produire d’analyse des arguments avancés.

Une illusion d’équilibre 

C’est ce qu’on appelle le faux-équilibre – en anglais, « balance as bias » (« biais d’équilibre »). En poussant à l’extrême la norme journalistique exigeant de présenter les arguments qui s’opposent lors d’un débat, ce biais d’interprétation réduit les controverses environnementales, qui nécessitent une analyse des enjeux, à des polémiques, qui ne sont qu’une série d’affrontements. 

Cette norme a été interrogée par des travaux en sciences sociales sur les controverses concernant le changement climatique. Ces critiques consistaient notamment à remettre en question l’idée selon laquelle tous les points de vue se valent scientifiquement. 

Une façon de dépasser cette posture passive consiste, pour les journalistes qui travaillent sur ces controverses, à construire un argumentaire en analysant et en comparant les éléments à leur disposition. C’est de cette façon que Mediapart a traité la question de la pertinence scientifique de Cigéo, en croisant une note de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec une expertise indépendante. Cependant, cette méthode nécessite que les rédactions laissent du temps d’enquête aux journalistes, que ces derniers soient formés aux enjeux scientifiques, et que les formats journalistiques permettent d’aborder les sujets dans leur complexité. Pas évident quand il faut vulgariser et séduire un lectorat…

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