Sur cette photo, nous pouvons voir la croix et le Mémorial servant à honorer la mémoire des résistants déportés. © Lucas Ciaravola

La recherche confrontée à la politique mémorielle

La recherche doit parfois prendre en compte la politique mémorielle décidée il y a plusieurs dizaines d’années. Exemple au camp de concentration du Struthof en Alsace.

Archéologue, Juliette Brangé dirige le chantier de fouilles du camp de concentration du Struthof. Elle y est confrontée à la politique mémorielle du camp mise en place sur le site dans les années 1950 sous l’impulsion de l’Etat. À cette époque, la partie haute du camp devient un mémorial honorant les résistants français, au détriment de la mémoire des déportés d’autres nationalités, pourtant majoritaires. Mais avec le temps, certaines baraques du camp menacent de s’effondrer, faute d’entretien. Elles sont détruites en 1954 lors d’une cérémonie mémorielle présidée par le préfet. En 1976, un incendie criminel détruit d’autres installations. Au début des années 2000, la construction du Centre européen du résistant déporté se fait en lieu et place des baraques administratives du camp, effaçant presque toute possibilité de récolter des données archéologiques sur les lieux de construction. Les chercheurs doivent trouver des zones épargnées par ces aménagements, c’est notamment le cas de la carrière.

Les symboles mis en avant par la politique mémorielle sèment parfois le trouble chez les anciens résistants déportés. La chercheuse nous fait part de ses difficultés de « trier » les témoignages : « Parfois, les anciens détenus pensent que certaines infrastructures comme le portail étaient déjà présents dans le camp alors qu’ils ont été construits après guerre ». Dans l’imaginaire collectif du camp de concentration, les détenus étaient vêtus de vêtements rayés. Conviés aux commémorations, certains anciens déportés « portaient des uniformes rayés alors que ce n’était pas la tenue officielle des prisonniers du Struthof. »

La politique mémorielle et les travaux des scientifiques se retrouvent ainsi parfois en décalage. En tant que chercheuse, Juliette Brangé confirme la présence de « prisonniers polonais et soviétiques dans le camp dès le début ». Une réalité oubliée du mémorial qui se focalise sur la figure du résistant français déporté. « On voit très peu de noms de prisonniers » de ces nationalités, explique-t-elle. Quant à la carrière, site principal des fouilles archéologiques conduites par Juliette Brangé et lieu de travail des déportés, elle ne fait pour l’instant pas partie de la politique mémorielle.

https://youtu.be/td5Osf2XQNg

 

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