La recherche fondamentale, angle mort des médias

Dans un contexte de désinformation croissante, les scientifiques peinent à faire connaître les résultats de leurs études au grand public. Des difficultés liées, en partie, au manque de médiatisation des travaux de recherche fondamentale.

« Quel intérêt on a à savoir ça ? À quoi ça va servir ? » Ces questions, Bertrand Jacquemin, chercheur en biologie marine, les a souvent entendues dans la bouche de journalistes. Il a étudié pendant plusieurs années les baleines à bosse et les cachalots, en Méditerranée et en Polynésie. Son objectif : identifier les zones qu’occupent les animaux selon les saisons, leurs routes migratoires, mais également leur manière de communiquer. « C’est de la recherche fondamentale, elle se suffit à elle-même. Elle sert à mieux connaître le monde et à évaluer l’impact des activités humaines sur le milieu marin », explique le biologiste.

Bertrand Jacquemin a travaillé pendant deux ans à la station biologique de Roscoff. © Bleuenn Le Lay

Les médias suivent les tendances

Aurélien Baud, doctorant à la station biologique de Roscoff, travaille à la domestication des algues. Son objectif : trouver les meilleures conditions de reproduction d’une espèce, la dulse. Si elle est aujourd’hui récoltée en milieu sauvage, « des entreprises pourraient ensuite la cultiver », explique le biologiste.

Le sujet est plus facile à médiatiser. Le potentiel des algues dans la cosmétique, les biocarburants et l’alimentation, intéresse les médias. Mais là encore, c’est l’utilité pratique des résultats de recherche qui les attirent. Une réalité que déplore Marielle Guichoux, responsable du service communication, médiation et éditions scientifiques de la station biologique de Roscoff. Elle rencontre de vraies difficultés à partager les résultats de recherche qui n’ont pas d’application immédiate. « Les interactions avec les journalistes, c’est souvent traduire ce que l’on a pu trouver de façon attractive », résume Catherine Leblanc, directrice de recherche à la station biologique de Roscoff. « Ça passe par de la simplification, notamment des termes techniques ».

« Des raccourcis dangereux »

Mais cette simplification a ses limites. « On voit parfois passer des choses complètement erronées, des raccourcis dangereux », regrette Bertrand Jacquemin. Il pense, par exemple, à des affirmations avancées sans précision sur la démarche scientifique suivie. Car connaître cette méthode est nécessaire pour bien interpréter les résultats d’une étude. Malheureusement, les chercheur.euse.s ne peuvent rectifier les fake news auprès du grand public sans l’intermédiaire des médias. C’est le principal enjeu du traitement de la recherche fondamentale : donner à tous les clés de lecture pour éviter la désinformation.

 

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