Le camp aujourd’hui, entre politique mémorielle et recherche scientifique

Une partie des traces historiques du camp du Struthof a été détruite. Malgré cet obstacle, le travail des chercheurs doit permettre d’en renouveler l’image et la mémoire.

Le Struthof a déjà plusieurs vies. À la ferme qui, avant guerre, accueillait les Strasbourgeois venus faire du ski sur les pentes des Vosges a succédé, à partir de 1941, un camp de concentration dont les prisonniers ont creusé la roche puis réparé des moteurs d’avion. La Libération l’a vu se transformer en prison pour collaborateurs. C’est après sa fermeture qu’il est devenu un lieu de mémoire. Dans les années 1950, l’État impulse une première politique mémorielle qui fait de la partie haute du camp un mémorial honorant les résistants français. Au détriment de la mémoire des déportés d’autres nationalités, pourtant majoritaires.

Avec le temps, certaines baraques du camp menacent de s’effondrer, faute d’entretien. Elles sont détruites en 1954 lors d’une cérémonie mémorielle présidée par le préfet. En 1976, un incendie criminel détruit d’autres installations.

Le Centre du résistant déporté, à l’entrée du camp, a lui été construit dans les années 2000, à l’emplacement des baraques de la SS, disparues depuis longtemps. La construction de cet espace muséographique a donc détruit une partie des traces archéologiques, que personne n’a alors pris soin d’étudier. Depuis, l’archéologie des conflits contemporains s’est développée en France, et certaines fouilles ont pu être effectuées à partir de 2018 par une équipe de chercheur.euse.s d’Archéologie Alsace. Juliette Brangé, archéologue qui dirige ces chantiers de fouille, explique la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les chercheurs.

Symboles trompeurs

Les symboles mis en avant par la politique mémorielle sèment parfois le trouble chez les visiteurs. La chercheuse nous fait part de ses difficultés de « trier » les témoignages : « Parfois, les anciens détenus pensent que certaines infrastructures comme le portail étaient déjà présents dans le camp alors qu’ils ont été construits après guerre ».

De la même manière, l’imaginaire collectif du camp de concentration retient que les détenus y étaient vêtus de rayures. Conviés aux commémorations, certains anciens déportés « portaient des uniformes rayés alors que ce n’était pas la tenue officielle des prisonniers du Struthof. » Ne rencontrant que rarement la population locale, ils n’avaient en effet pas besoin d’en être distingués et étaient habillés en civil.

La politique mémorielle et les travaux des scientifiques se retrouvent ainsi parfois en décalage. En tant que chercheuse, Juliette Brangé confirme la présence de « prisonniers polonais et soviétiques dans le camp dès le début ». Une réalité oubliée du mémorial qui se focalise sur la figure du résistant français déporté. « On voit très peu de noms de prisonniers » de ces nationalités, explique-t-elle. Quant à la carrière, site principal des fouilles archéologiques conduites par Juliette Brangé et lieu de travail des déportés, elle ne fait pour l’instant pas partie de la politique mémorielle.

Vers une nouvelle politique mémorielle grâce à la recherche ?

Si la création du mémorial du Struthof a entraîné la perte d’une partie de la matière première des archéologues et des historien.nes, ces dernier.es tendent à renouveler les connaissances du site. Pour la chercheuse Juliette Brangé, l’objectif, à terme, est d’alimenter une mémoire plus complexe que l’imaginaire construit par les politiques mémorielles antérieures.

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