Le tourisme mémoriel découle de politiques publiques nationales, déclinées au niveau local. C’est le cas du camp de concentration du Struthof.
« En France, selon une étude réalisée par le ministère de la Défense, le tourisme mémoriel a attiré plus de 12 millions de personnes en 2014. » Ce type de tourisme correspond à une démarche « incitant le public à explorer des éléments du patrimoine mis en valeur pour y puiser l’enrichissement civique et culturel que procure la référence au passé », explique Dalila Messaoudi, spécialiste de géographie économique, dans Images économiques du monde 2018, reprenant la définition de François Cavignac.
Cette mise en valeur est le plus souvent l’apanage des services de l’Etat. L’ensemble du site du Struthof est ainsi géré par l’Office national des combattants et des victimes de guerre et détenu par le ministère de la Défense.
L’histoire mise en scène
Pour qu’il soit opérationnel, le tourisme mémoriel s’accompagne de politiques publiques. Dans le camp de concentration du Struthof, elles sont mises en place dans les années 1950, relève Juliette Brangé, chercheuse en archéologie et histoire contemporaine sur le site.
La mémoire est principalement conservée dans le camp haut. A cet endroit, se trouvent encore quelques baraques de déportés, dont celle faisant office de prison, une potence pour les exécutions et un four crématoire où les corps étaient incinérés.
Ces éléments sont contenus dans une double enceinte de fils barbelés et de huit miradors. La manière de raconter l’histoire du lieu s’illustre également avec la construction du Centre européen du résistant déporté, sur l’emplacement d’anciennes baraques. Cette reconfiguration de l’espace efface presque toute possibilité de récupérer des données archéologiques, au détriment de la recherche scientifique. « Faire du nouveau tout en gardant de l’ancien, c’est comme ça que cela fonctionne dans la plupart des lieux de mémoire», déclare Juliette Brangé.
[Lire aussi : La recherche face aux politiques mémorielles : confrontation et ambition]
La carrière délaissée pour l’instant
Les prisonniers qui n’étaient pas exécutés ou ne faisaient pas l’objet d’expérimentations médicales mouraient d’épuisement au travail forcé ou de faim. Parmi ces lieux de souffrance, on peut évoquer la carrière de granit rose, délaissée sur le plan du tourisme mémoriel. Contrairement au camp lui-même, elle n’a pas été entretenue. Cette partie du site est tombée dans l’oubli des historien.nes et de la population locale. Mais les choses devraient changer : depuis 2020, des fouilles sont effectuées dans la carrière. Elles alimenteront une installation mémorielle destinée aux visiteurs dans la carrière. Quant au camp, des fouilles y sont prévues, d’autres envisagées et soulevant des questions éthiques et émotionnelles. Pour compléter les informations recueillies lors des fouilles archéologiques, Juliette Brangé a également commencé à se plonger, en février 2023, dans les archives du camp, dans le cadre de sa thèse en préparation.
Une manne économique
L’engouement pour le tourisme mémoriel est tel qu’il a « donné naissance à une division “tourisme de mémoire” au sein de l’Agence de développement touristique de la France (Atout France) », souligne Dalila Massaoudi. Le site internet du Struthof annonce que, chaque année, environ 170 000 personnes effectuent la visite du camp.